Banksy® est une marque déposée

Depuis quelques années Banksy est au coeur d’une tempête qui bouscule le monde de l’art. Et si l’épicentre de ce tremblement de terre se situe au niveau des travaux urbains (outside) de l’artiste, la toile de fond est l’univers du street art. Ephémère, contextuel, accessible et gratuit en sont les maîtres mots. Mais c’est sans compter avec les riches spéculectionneurs qui s’arrachent, au sens propre comme au figuré, les oeuvres de l’anonyme Robin des Bois. La question est : comment Banksy peut-il se protéger du vandalisme du monde de l’art ?

Banksy est dans une position inconfortable. En l’espace d’une décennie il est passé du statut de vandale anonyme, recherché par la police, à celui d’artiste le plus côté. Il est devenu la proie préférée des chasseurs de richesses du monde entier. Un pochoir laissé sur un mur devient, en un simple clic sur Instagram, un placement ultra-rentable de plusieurs centaines de milliers d’euros. Ses réactions contre cet état de fait ne font qu’augmenter la valeur des oeuvres qu’il tente de libérer de cette engrenage de l’argent roi. A tel point qu’il semble difficile d’imaginer une porte de sortie qui lui permettrait de lutter efficacement contre cet état de fait… Ou alors ce n’est pas réellement son but !

Quand Banksy luttait contre Banksy®

Depuis ses débuts, Banksy s’oppose farouchement au fait de devoir entrer dans la spirale du monde de l’art pour accéder à une reconnaissance. C’est dans cet esprit qu’il créé les structures comme POW (Pictures on Walls), les expositions Santa’s Ghetto ou Pest Control. Il était question d’offrir au street art un espace d’exposition et de diffusion en dehors du monde de l’art. Un univers alternatif et autonome permettant de garder un certain contrôle sur le prix des oeuvres et sur l’évolution d’un mouvement en pleine explosion.

Même si la démarche était cohérente et pleine de bonnes intentions, cela n’a pas fonctionné comme prévu. La cupidité des gens a eu raison du street art. POW disparaît en 2017, les expositions Santa’s Ghetto avec. Il est fini le temps où des gens achetaient un Banksy parce qu’ils aimaient son travail. Il s’agit maintenant d’un placement, comme on joue en bourse ou au casino. L’art est devenu secondaire. Banksy lui-même n’est plus au centre de cette mascarade qui efface le sens pour ne laisser que les dollars.

Pictures On Walls a rendu le racket du marché de l’art non réglementé accessible au spéculateur d’art urbain de la classe moyenne, permettant ainsi à une nouvelle génération de capitalistes de se déguiser en passionnés de graffiti.

Robert Del Naja

L’argent a tué POW tout aussi certainement qu’il est en train d’acculer Banksy. Et comme une bête traquée, il doit se protéger. Car la cupidité du monde semble sans limites, l’artiste de la liberté d’expression et de l’accès à tous est obligé de se poser la question de la propriété privée. Celle-là même qu’il n’a jamais respectée lorsqu’il dépose ses oeuvres dans la rue…



Dr Banksy et Mr Banksy®

11 avril 2019, Banksy dépose le terme de Banksy®. Le dessin de sa signature avait déjà fait l’objet d’un dépôt en novembre 2018. C’est officiel, Banksy® est belle et bien une marque enregistrée et reconnue dans l’espace de l’Union Européenne. C’est la société Pest Control Office Limited qui s’occupe de ce dépôt, l’artiste anonyme ne pouvant pas le faire en temps que personne physique.

Lunettes de soleil, cadres photo, portefeuilles, parapluies, jeux et jouets, décorations pour arbre de Noël, chaussures, articles de sport ou services artistiques de peinture murale… la liste est longue, improbable et triste. Banksy se retrouve dans la situation ubuesque de devoir protéger ses oeuvres pour qu’elles ne finissent pas sur une lunette de toilettes ou un mug pour le petit déjeuner.

Cependant une catastrophe a inévitablement frappé, et Banksy est devenu Banksy®.

Pourquoi Banksy se décide-t-il à réagir seulement maintenant ? Cela fait des années que ses travaux urbains sont traqués à travers le monde, que ses oeuvres Inside sont vendues avec de fortes plus-values et exposées sans son consentement. A tel point que Banksy donnait l’impression de ne pas réellement s’en préoccuper, se donnant juste la peine de référencer les expositions Fake sur son site Internet officiel et continuant à alimenter la machine infernale du marché des spéculectionneurs en revendiquant toujours ses travaux urbains. Alors, qu’est-ce qui a changé en ce début d’année 2019 ?

Banksy, hors-la-loi légaliste

Fin 2018, un des nombreux événements non-autorisés par Banksy fait payer l’entrée d’une exposition de ses travaux dans la ville de Milan. Mais cet événement, intitulé The Art Of Banksy, a visual protest, ne sera pas simplement un parmi d’autres. Le mauvais goût et l’absence de respect de la démarche et de l’esprit Banksy va pousser l’artiste hors de ses retranchements.

En effet, cette exposition, qui se déroula entre novembre 2018 et avril 2019, va proposer à la vente des produits dérivés flanqués d’oeuvres de Banksy. Magnets, calendriers et tasses… il n’en faudra pas plus pour que Banksy réagisse. Et c’est en portant plainte, par le biais de la structure Pest Control, que cela se fera.

Banksy sera débouté de tout ce qui concerne l’autorisation de cette exposition, même de l’utilisation de ses travaux sur les affiches de l’événement. Cependant, les produits dérivés seront retirés de la vente.


Banksy®

Banksy est donc bien une marque à part entière. Cette information n’est pas à prendre à la légère, surtout pour ceux qui tirent bénéfice de ses travaux sans en avoir l’autorisation. Il s’agit d’un tournant dans la démarche de l’artiste dont les mots d’ordre sont anonymat et illégalité. Emprunter le chemin de la loi et de la protection intellectuelle n’a pas dû être un choix facile.

Banksy tente une nouvelle fois de réagir. Le vandale multi-récidiviste du street art attaque en justice les institutions de monde de l’art. Cela pourrait être drôle, s’il n’était question de tenter de préserver une forme d’expression artistique dont les principes fondateurs sont la gratuité et la liberté.

Ce tournant soulève deux interrogations :

  • En quoi ce dépôt de marque va modifier le comportement de Banksy face aux dérives réalisées sans on accord ?
  • Que va faire Banksy de cette marque protégée ?

Une chose est certaine, Banksy n’a pas fini de nous surprendre !

Pour une analyse complète de l’univers de Banksy et des problématiques actuelles de l’artiste face au monde de l’art.

Achetez Banksy, Dr Vandale et Mr Art, publié aux éditions de l’Harmattan en 2019.