Banksy® – Dr vandale et Mr art

Je crois qu’on vient de se faire “bankser” 

Alex Branczik, Sotheby’s

Publié aux éditions de L’Harmattan en juin 2019, ce livre de Hugues Bernard traite de Banksy et de la situation actuelle du street art par le biais de l’artiste emblématique de ce mouvement : Banksy. Une plongée dans l’univers de l’artiste qui présente son parcours avant de questionner sa démarche révolutionnaire et son combat contre le monde de l’art. Un livre accessible à tous, spécialistes ou simples amateurs de street art…

Hugues Bernard, Banksy® dr vandale et mr art, l'harmattan 2019


Introduction

J’ai commencé à peindre des graffitis à 14 ou 15 ans, et les gens me demandaient sans arrêt pourquoi je faisais ça ? Mais la question pour moi était toujours : pourquoi est-ce que je ne le ferais pas ?

Banksy

S’il est un artiste connu du grand public et jouissant d’une aura toute particulière en ce début de XXI siècle, c’est bien Banksy. Il est au nombre des rares artistes vivants à avoir réussi à sortir de la sphère hermétique du monde de l’art. Une figure emblématique de l’univers du graffiti et de ce que l’on nomme le Street Art, mais pas seulement. Àla fois artiste et militant politique, connu et pourtant anonyme, individu seul ou groupement d’artistes, commenté et analysé par un monde de l’art auquel il échappe inlassablement, il est reconnu mais reste pourtant insaisissable. Sa position affirmée de rebelle anticapitaliste ne l’empêche pas d’être la coqueluche bankabledu supermarché de l’art contemporain. En 2010, le Time Magazinea inscrit son pseudonyme au classement des cent personnalités les plus influentes du moment, aux côtés de Barack Obama, Steve Jobs et Lady Gaga… Une grande ville de ce monde qui ne porte pas les stigmates du vandalisme de Banksy n’est pas une capitale d’importance !

Le terme générique de Banksy sera traité ici en temps qu’individu, même si rien ne prouve qu’il ne puisse pas s’agir d’un groupe d’artistes, cachés derrière ce nom propre. Un peu dans le style deDada, avec une dose d’anonymat en plus. Sur ce point, comme sur bien d’autres à son sujet, les avis divergent. « Le mythe soigneusement élaboré veut nous faire croire que Banksy est une personne isolée, mais l’ampleur de son travail et les nombreuses techniques qu’il utilise dans différents genres font penser à une équipe d’artistes. » Cela n’est qu’une hypothèse de travail parmi d’autres. Des interviews et images d’archives datant des débuts de l’artiste donnent à penser qu’il s’agit d’un individu seul. Àl’époque déjà, les journalistes se posaient la question de savoir si la personne qu’ils avaient en face d’eux était bien celui qu’il prétendait être… La seule certitude est que Banksy se présente comme un individu isolé. Et comme rien ne permet de démentir clairement cette affirmation, c’est le postulat sur lequel cette étude va reposer.

C’est à partir des années 1990 que la signature de Banksy apparaît sur les murs de la ville de Bristol, avant de se répandre dans lesgrandes villes du monde. Fidèle aux codes de la scène des graffeurs il s’agit d’un pseudonyme, cachant son identité, pour des raisons de poursuites judiciaires liées au caractère illégal de cette scène underground, assimilée à de la dégradation de biens privés. Banksy explique, lors d’une de ses rares interviews en 2003, avoir déjà été arrêté plusieurs fois pour ses graffitis mais jamais en tant que Banksy. C’est en tout cas la raison de départ et la plus logique pour expliquer cette volonté d’anonymat, mais dans son cas cela prend un sens bien plus particulier. Car Banksy reste absent, même maintenant qu’il est connu, et cet anonymat est devenu son identité. 

N’importe quel crétin peut se faire pincer. Le truc, c’est de ne pas se faire prendre. Même si on étalait toutes mes œuvres à la Tate Modern et que Tony Blair et Kate Moss viennent à l’inauguration distribuer des petits fours en rollers, ce ne serait pas aussi excitant que de peindre un immense graffiti dans un lieu interdit.

Banksy

Pochoirs réalisés à la bombe de peinture, messages percutants et rats, voilà les bases de l’empreinte du passage de Banksy. L’iconographie rappelle celle de la scène anarcho-punk de la fin du XXͤsiècle et les textes ne font pas mentir cette hypothèse ! Ses petits animaux, considérés comme des nuisibles, envahissent les villes et symbolisent l’action des graffeurs : nocturnes, détestés, pourchassés et pourtant omniprésents… Ils se jouent des interdictions et la ville devient à la fois une cible et un terrain de jeu, prétexte ou matière à détournement et à provocation, dans le but d’interpeller le passant.

Je peignais des rats depuis trois ans avant que quelqu’un me dise : C’est intelligent. C’est un anagramme du mot « art », et j’ai du faire comme si je le savais depuis le début. 

Banksy

Sans en être le précurseur, Banksy devient très rapidement la figure emblématique de ce mouvement Street Art,du fait de ses multiples coups d’éclat, du caractère subversif de ses travaux et de la pertinence de ses interventions. Mais il garde la tête froide et reste fidèle à ses engagements, sans sombrer dans la célébrité qui lui tend les bras et exigerait de lui en contrepartie qu’il renie certains de ses engagements fondamentaux. Banksy refusera de nombreuses propositions de collaborations effectuées par de grandes marques comme Nike, expliquant qu’il ne peut pas encaisser des millions de dollars en fermant les yeux sur les conditions de production inacceptables de telles firmes. Le nombre de ses refus semble d’ailleurs grandement dépasser celui des collaborations qu’il a acceptées ! Banksy n’est pas un mercenaire, il est un combattant de la liberté… 

J’ai déjà refusé quatre propositions de Nike. Àchaque nouvelle campagne, ils me demandent de travailler pour eux, mais j’ai toujours refusé. En fait, la liste des boulots que je n’ai pas faits est beaucoup plus longue que celle des travaux que j’ai acceptés. C’est comme un C.V. inversé. Nike m’a pourtant proposé un beau paquet d’argent pour que je bosse pour eux. (…) Je n’ai pas besoin de cet argent et cela me déplaît de savoir que des enfants se tuent au travail pour des clopinettes.

Banksy

Tout au long de ce que l’on peut appeler sa carrière en cours, il a multiplié les actions coup-de-poing. Il est toujours là où on ne l’attend pas. Faisant entrer son art dans des lieux officiels sans y être invité. Sortant l’art de ses environnements feutrés pour l’exposer dans des endroits insolites, choquants, politiques… Son leitmotiv : rester accessible et proche du peuple, même – et surtout – si cela l’éloigne des lieux de l’art institutionnel. Banksy a choisi son camp depuis le début et c’est celui de la rue ! 

Il reste difficile de choisir un échantillon de ses actions artistiques, tellement elles se distinguent par leurs variétés d’exécutions et le message très précis qu’elles véhiculent. Banksy n’a pas de pratique stricto sensu, si ce n’est la volonté de faire passer un message, et cela en utilisant tous les médias à sa disposition. Des frappes chirurgicales, efficaces et à l’impact immédiat. Il est question d’engagement politique fort et sans équivoque. Le travail de Banksy ne se regarde pas uniquement, il se comprend. Le spectateur doit (re)brancher son cerveau. Et pas besoin d’avoir fait des études d’art pour en saisir l’importance. La grille de lecture de son travail échappe à toute cette mascarade. Il s’adresse à tout un chacun, sans élitisme. C’est un art populaire et ceux que ce terme fait frémir sont les moins à même de comprendre sa démarche.

S’il y a bien une certitude, c’est qu’il s’amuse. C’est un rebelle, libertaire et sarcastique, jouant avec les concepts comme avec les mots. Ses choix et son identité visuelle l’inscrivent dans la scèneundergroundet politique de son époque. Il se joue des codes de l’art actuel avec une intelligence et une ironie toute iconoclaste, que l’on retrouve au fil des pages de son unique livre officiel, Wall and Piece1, qui retrace l’activité de Banksy de 2001 à 2006. Un titre au jeu de mot symbolique qui sera traduit par Guerre et Sprayen français, en référence au célèbre roman Guerre et Paix de Tolstoï – War and Peacedans sa version anglaise. En quatrième de couverture une citation du représentant de la police de Londres : « Il n’y a aucune chance que vous ayez une citation de nous à mettre sur la couverture de votre livre.» Tout un programme ! 

Je vais vous parler de mes idées, cela ne va pas prendre beaucoup de temps.

Banksy

Voici la première phrase d’introduction de ce livre qui compte pas moins de 240 pages présentant son travail en une succession de photographies diverses, agrémentées de quelques citations choisies et de paragraphes aux accents de slogans politiques. Banksy affiche une simplicité de façade qui cache une pratique dont l’iconographie et les messages diffusés remettent en question notre monde, la société tout entière et l’histoire de l’art dans un tourbillon d’une efficacité redoutable.

Banksy ne s’écrit pas, il s’expérimente. On ne va pas voirson travail on le découvre, comme on fait une chasse au trésor. Parfois par hasard et sans même le savoir. Et pour ne rien simplifier, l’artiste embrouille volontairement les cartes. Devient un personnagepublic tout en ne faisant jamais aucune apparition, même lorsqu’il est à l’origine de l’événement. Il peut être partout, ou ailleurs.Il y a tout un mystère autour de lui, de son identité à ses œuvres, cachées aux quatre coins du monde, apparaissant en une nuit dans les rues de Paris, Londres, Bristol, Manchester, Barcelone ou le mur de séparation entre la Palestine et Israël… 

Sa pratique artistique est celle d’un délinquant, salissant etdégradant les murs des villes de sa peinture. Se cachant la nuit pour enfreindre la loi. Il sera d’ailleurs inquiété par la puissanteKeep Britain Tidy, un organisme non-gouvernemental britannique dont l’action est orientée dans le domaine de la défense de l’environnement au sens large, et en lutte contre les graffitis qui recouvrent les villes du pays dans les années 2010. Il est intéressant de noter que le slogan actuel, en entête de leur page Internet, sonne comme un message de Banksy : « Vous pouvez changer le monde autour de vous.Commencez aujourd’hui ! »

Cet organisme présentera l’artiste comme un délinquant graffeur notoire, lançant en septembre 2009 sur sa page Facebook officielle la question : « Banksy – déchet ou art ? 2»Cela inspirera à l’artiste un graffiti aux accents humoristiques présentant une vieille dame avec un pinceau à la main ayant inscrit le nom de l’association en lettres rouges et dégoulinantes sur un mur. Dessin qui lui vaudra les critiques de certains membres du monde des graffeurs, l’accusant de se rallier à l’association anti-graffitis en mettant en place un système à deux niveaux, avec les graffitis acceptables et ceux qui ne le sont pas. Mais cela déclenchera aussi une réflexion de fond sur la place du graffiti dans l’espace urbain. Art ou vandalisme ? Y a-t-il de bons et de mauvais graffitis ? Banksy avaitencore frappé ! La Keep Britain Tidy, réalise depuis 2016 des reverse graffitissur les trottoirs de Londres pour dénoncer l’impact de la pollution urbaine sur les plages et les océans !

Malgré ce qu’ils disent, le graffiti n’est pas une forme mineure de l’art. Bien que tu doives ramper la nuit et mentir à ta mère, c’est actuellement l’une des formes de l’art les plus honnêtes qui soit disponible. Il n’y a pas d’élitisme ou de battage médiatique, il s’expose sur les meilleurs murs qu’une ville ait à offrir et personne n’est rebuté par le prix d’entrée.

Banksy

Et c’est cet accès à tous, cette gratuité autour de son œuvre qui le place en marge et à contre courant du monde de l’art actuel qui se résumeà ventes et profits.Il ne fait rien comme-il-faut pour être reconnu, ne respecte pas plus les règles du Street Art que celles du monde de l’art contemporain. Il est indépendant, autonome. Et c’est sur ce principe que repose sa reconnaissance.La sincérité comme mot d’ordre.

Peuplé de rats, d’iconographie révolutionnaire et d’images de fin du monde sur fond de société de consommation, le travail de Banksy est clairement engagé. Il n’est pas seulement là pour décorer la ville, ou inscrire le passage de l’artiste dans un lieux. Il y a sens. Et c’est ce qui le rend unique. Le but n’est pas de se faire une place, mais d’êtredans la place. Banksy est un artiste qui a des choses à dire, un message à faire passer. Et cela tout autant dans ses graffitis que dans sa démarche. 

Il est question d’interroger, de déranger et de faire sourire. Séparément, ou le tout en même temps. Le geste compte tout autant que le résultat. En une sorte d’écho, Banksy fait de sa réalisation en deux dimensions l’outil de son engagement sociétal, et cette résonance fait de lui un performer. Un artiste de l’action. Son œuvre tout entière est un happening, et ne voir que sa trace laissée sur le mur serait passer à côté de son travail, qui débute au moment où il doit « mentir à [sa]mère » pour sortir commettre ses œuvres…

L’art a pour habitude d’assimiler et de digérer chaque nouvelle démarche entrant dans son champ de compétence et de la classer, une fois passé le test de la valeurartistique, cela même si son fond de commerce est de lui cracher au visage. Une fois figée et rendue académique cette démarche est analysée, assimilée, rangée dans la petite case qui lui correspond et laissée aux bons soins de la poussière historico-artistique de l’histoire de l’art. Le monde de l’art est le cimetière de l’inventivité et de la créativité artistique. Banksy l’a bien compris. Et sa logique de création tout entière semble avoir été élaborée pour ne pas tomber dans ce piège. Pour rester sincère, indépendante et impossible à faire entrer dans un musée.

La démarche de Banksy est multi-forme et internationale. Elle se joue des règles et des frontières, qu’elles soient géographiques, artistiques ou culturelles. Mais son milieunaturelreste la rue, l’espace public. 

Un mur a toujours été le meilleur endroit pour montrer son travail.

Banksy

Il reste fidèle à cette idée. La ville est l’espace de création privilégié, de liberté où ilinscrit ses œuvres, empreintes deson passage. Une mauvaise herbe qui a poussée là où personne ne l’attendait, dans l’environnement incertain et éphémère de l’espace urbain. Abandonnée aux aléas de l’activité humaine. Une logique de création iconoclaste et transgressive face à laquelle le monde de l’art a du mal à se positionner. Mais il n’y a pas plus flexible, lorsqu’il s’agit d’intégrer un nouveau membre à son club ! Cela même contre la volonté affirmée de l’intéressé…

Il est important de prendre en compte toutes les ramifications de la démarche de Banksy, mais aussi et surtout les limites de l’art avec lesquelles il semble vouloir s’amuser avec un certain plaisir. Comprendre la relation complexe entre œuvre d’art et message politique lorsqu’elle en est le vecteur. Cela permettra d’aborder la problématique de l’objet dans l’art contemporain et plus précisément dans le Street Art. De se poser la question de la situation actuelle de ce mouvement, depuis qu’il est devenu une valeur marchande à haut potentiel spéculatif. Quelle place peut avoir le Street Art au sein du monde de l’art, lorsque ses artistes exposent leurs travaux comme des délinquants sur les murs de nos cités, directement du producteur au consommateur ?



On en parle dans la presse

Tableaux d'art contemporain de Hugues Bernard en décollage d'affiches

Libération : Banksy, l’être anonyme

Un article sur Banksy dans Libération du 07 août 2019, où je suis cité ainsi que mon livre. Très bon papier, peut-être un peu trop orienté sur la question de la “véritable” identité Banksy, mais pour ceux que ça intéresse il y a matière à débattre…

Podcsast à écouter, Radio Raje Nîmes


Article sur le blog L’ar(t)penteur

Le dernier livre de Hugues BERNARD sur Banksy, l'arpenteur, Nîmes

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Article sur le site lelitteraire.com

Lelitteraire parle du livre sur Banksy de Hugues BERNARD

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Article sur le site ZakariaPresse.com

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Article dans UzesNews

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Article dans le Républicain d’Uzès


Encart – Gazette de Nîmes